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Les Della Robbia : une campagne de restauration
réalisée à l’occasion d’une exposition
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Ange porte-candélabre (d’une
paire), terre cuite émaillée, Musée du
Louvre, Département des Sculptures, inv. RF 1534. Détail
montrant les traces des anciens décors dorés révélées par
le nettoyage, en cours de restauration. © C2RMF, Anne
Chauvet
| L’exposition
L’exposition Les Della Robbia. Sculptures
en terre cuite émaillée de la Renaissance italienne a été
organisée par le département des Sculptures du musée du Louvre pour
être présentée au Musée national Message biblique Marc Chagall, à
Nice (29 juin – 10 novembre 2002) et au Musée national de Céramique,
à Sèvres (10 décembre 2002 – 10 mars 2003). A cette occasion, une
importante étude a été entreprise par le département Recherche du
C2RMF (analyses des terres, des glaçures, techniques de mise en
œuvre) dont les résultats sont en partie publiés dans le catalogue
de l’exposition.
Parallèlement, le département
Conservation – Restauration a pu suivre, en étroite concertation
avec les conservateurs responsables des collections, une partie des
interventions rendues nécessaires par l’état des œuvres à présenter.
Ces mesures sont allées du simple bichonnage ou du nettoyage
approfondi jusqu’à des opérations plus conséquentes, comme
l’élimination de certaines restaurations anciennes et le remontage
d’œuvres parfois cassées mais, aussi, souvent conçues en plusieurs
morceaux à l’origine. Dans l’ensemble, les pièces traitées ne
présentaient pas de problème de conservation (sauf en ce qui
concerne les contraintes exercées par des collages ou un montage
inadapté) et leur restauration a principalement été envisagée dans
le but d’améliorer leur lisibilité.
Ne sont présentés ici que quelques
exemples précis qui peuvent illustrer, d’une part, ce qu’une
restauration peut révéler sur un objet et, d’autre part, quelques
uns des différents choix qui s’offrent toujours à l’occasion d’une
intervention et ce qui peut les motiver.
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Ange porte-candélabre (d’une
paire), terre cuite émaillée, Musée du
Louvre, Département des Sculptures, inv. Camp.52. Détail
du visage, avant restauration. © C2RMF, Anne
Chauvet
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| Un nettoyage
spectaculaire
Lors du nettoyage entrepris sur la paire
d’Anges porte-candélabres (Paris, Musée du Louvre, RF 1533
et RF 1534), Laurence Labbe, restauratrice, a mis en évidence les
traces d’anciens motifs décoratifs dorés en forme d’épis, répartis
régulièrement sur les manteaux des anges. Ces motifs étaient,
contrairement aux décors émaillés, ajoutés à froid après la dernière
cuisson et ils se sont, en général, beaucoup moins bien conservés
que les glaçures.
Ici, les traces d’or qui subsistent sont
infimes ; en revanche, les motifs ont protégé la surface émaillée de
la poussière pendant suffisamment de temps pour que les fantômes des
décors dorés apparaissent plus clairs sur une surface plus grise,
parce que plus encrassée. Après cette découverte, le choix a été
fait de limiter volontairement le degré de nettoyage de l’ensemble
de la surface, afin de ne pas faire disparaître complètement le
contraste visuel existant, seul témoin de ces décors.
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Ange porte-candélabre (d’une
paire), terre cuite émaillée, Musée du
Louvre, Département des Sculptures, inv. Camp.53. Détail
du visage, après restauration. © C2RMF, Anne
Chauvet
| Un exemple de dé-restauration
Une seconde paire d’Anges
porte-candélabres (Paris, Musée du Louvre, Camp.52 et Camp. 53)
posait un autre type de problèmes, ayant subi anciennement plusieurs
interventions de restauration : décapage des polychromies posées à
froid (dorures, carnations) et pose d’un badigeon devenu brun foncé
sur les deux anges ; cassures recollées, manques rebouchés (pied,
crâne, plis des vêtements), parties complètement refaites (ailes)
pour l’un des deux. L’aspect visuel de l’ensemble était ainsi très
sombre et alourdi.
L’intervention a été menée par Hubert
Boursier, restaurateur. Les essais de suppression de la couche brune
qui recouvrait les carnations se sont révélés assez concluants pour
que ce choix soit fait. Le résultat obtenu, sans redonner à l’œuvre
son aspect d’origine puisque la polychromie a disparu en
quasi-totalité, a pourtant le mérite de rendre au modelé, des
visages en particulier, sa finesse .
D’autre part, le choix a
été fait de retirer l’ensemble des volumes restitués dans le cadre
des interventions anciennes, à l’exception des bouchages pouvant
avoir un rôle structurel (pied droit de l’ange, calotte crânienne).
Cette dé-restauration a concerné les bouchages en plâtre (plis des
vêtements, boucles de cheveux) ainsi que les deux ailes qui avaient
été refaites en bois peint, dans la mesure où leur valeur esthétique
était contestable et que leur absence n’empêche pas une lecture
correcte de l’iconographie de l’œuvre, le deuxième ange de la paire
ayant gardé ses ailes en terre cuite. Ce n’est qu’après une étude
attentive de ce que toute intervention est susceptible d’apporter,
et, éventuellement, de retirer, à une œuvre qu’une dé-restauration,
même partielle, peut être envisagée.
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Déploration du Christ,
haut-relief, terre cuite émaillée, Musée du
Louvre, Département des Sculptures, inv. Camp.80. Vue de
côté, en cours de restauration, après bouchage et avant
retouche. © C2RMF, Anne Chauvet
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| Bouchages et
retouche : un choix toujours ouvert
Presque toutes les œuvres traitées au C2RMF
pour l’exposition ont amené conservateurs et restaurateurs à se
poser la question délicate des choix à faire en matière de
bouchages, pour combler ou non les manques éventuels, et en matière
de retouche des bouchages et des lacunes.
Ces questions se
sont posées d’abord en termes techniques. Il s’agissait d'une part
de déterminer les matériaux et les techniques de mise en œuvre qui
puissent répondre le mieux aux besoins précis et spécifiques de
chaque pièce : compatibilité avec le matériau terre cuite, aptitude
à jouer un éventuel rôle structurel dans la cohésion de la pièce,
nécessité d’obtenir un aspect de surface lisse et tendu qui
s'harmonise avec celui de la terre.
D'autre part, les
matériaux choisis devaient répondre aux trois principaux critères
déontologiques qui régissent les interventions de restauration, à
savoir, la réversibilité (la restauration doit pouvoir être éliminée
sans danger pour l'œuvre), la stabilité (le produit doit garder ses
propriétés chimiques et physiques le plus longtemps possible) et la
lisibilité (qu'elle soit illusionniste ou minimaliste,
l'intervention doit rester visible, au moins de près). Ces
réflexions ont permis de sélectionner un certain nombre de solutions
envisageables qui ont ensuite été examinées, par les restaurateurs
et les conservateurs, sous l'angle, plus esthétique, du résultat
visuel final souhaité.
Un exemple précis (fig. 4) permet
d'illustrer ce type de débat : les choix faits pour les bouchages et
la retouche colorée sur un relief, La déploration du Christ
(Paris, Musée du Louvre, Camp.80). Cette pièce, de relativement
petite taille (H. 44,5 cm ; L. 49 cm ; P. 11 cm), possède cette
particularité que la scène en haut-relief, couverte, dans sa
totalité, d'une glaçure vert clair translucide se détache sur un
fond de glaçure bleue assez foncée d'épaisseur irrégulière.
L'ensemble avait été cassé, recollé, rebouché et retouché
anciennement et l'œuvre présentait des volumes peu lisibles et assez
empâtés. La décision a été prise de retirer les bouchages anciens
mais en gardant les collages qui ont seulement été renforcés. Sur le
fond bleu, des bouchages ont été refaits et retouchés de façon
illusionniste. En revanche, sur les figures, les bouchages des
lacunes de terre cuite ont été refaits (en raison de la grande
fragilité et de la finesse de la sculpture) mais retouchés dans une
couleur proche de celle de la terre, prenant le partis de laisser
ainsi les lacunes de glaçure apparentes.
Ce choix, différent
pour les deux parties d'une même œuvre, s'explique par le fait que
le contraste visuel lié aux lacunes de la glaçure vert clair est
moins important que pour le fond bleu où elles auraient davantage
attiré l'œil, au détriment de la scène centrale.
Responsables des œuvres : Jean-René
Gaborit, conservateur général chargé du département des Sculptures,
Musée du Louvre ; Marc Bormand, conservateur au département des
Sculptures, Musée du Louvre. Suivi du chantier au C2RMF :
Christine Lancestremère. Examens : Thierry Borel
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© Centre de recherche
et de restauration des musées de France - RMN |
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